• La complainte du progrès

    La complainte du progrès, Boris Vian, 1956

     

    La complainte du progrès!
    Autrefois pour faire sa cour on parlait d'amour
    Pour mieux prouver son ardeur on offrait son cœur
    Maintenant c'est plus pareil, ça change et ça change
    Pour séduire le cher ange on lui glisse à l'oreille
    "Ah Gudule, viens m'embrasser, et je te donnerai"
    Un frigidaire, un joli scooter, un atomixer et du Dunlopillo
    Une cuisinière, avec un four en verre
    Des tas de couverts et des pelles à gâteau!
    Une tourniquette pour faire la vinaigrette
    Un bel aérateur pour bouffer les odeurs
    Des draps qui chauffent, un pistolet à gaufres
    Un avion pour deux et nous serons heureux!
    Autrefois s'il arrivait que l'on se querelle
    L'air lugubre on s'en allait en laissant la vaisselle
    Maintenant que voulez–vous? La vie est si chère
    On dit "rentre chez ta mère" et on se garde tout
    "Ah Gudule, excuse–toi, ou je reprends tout ça"
    Mon frigidaire, mon armoire à cuillères
    Mon évier en fer, et mon poêle à mazout
    Mon cire–godasses, mon repasse–limaces
    Mon tabouret–à–glace et mon chasse–filous!
    La tourniquette à faire la vinaigrette
    Le ratatine-ordures et le coupe-friture
    Et si la belle se montre encore rebelle
    On la ficelle dehors, pour confier son sort
    Au frigidaire, à l'efface–poussière
    À la cuisinière, au lit qu'est toujours fait
    Au chauffe–savates, au canon à patates
    À l'éventre–tomate, à l'écorche–poulet!
    Mais très très vite on reçoit la visite
    D'une tendre petite qui vous offre son cœur
    Alors on cède car il faut qu'on s'entraide
    Et l'on vit comme ça jusqu'à la prochaine fois

    Et l'on vit comme ça jusqu'à la prochaine fois
    Et l'on vit comme ça
    Jusqu'à la prochaine fois!
     
    Paroliers : Alain Yves Reginald Goraguer / Boris Vian
    Paroles de Complainte Du Progrès (Les Arts Ménagers) © Warner Chappell Music France 
     
    ANALYSE MUSICALE
    Une satire de la société
    Une chanson d'amour qui mélange les sentiments amoureux et la possession des nouveaux objets
    (1956, Trente Glorieuse, société occidentale sous l'effet de la consommation économique)

    VOIX masculine chantée/parlée

    INSTRUMENTS : JAZZ BAND : section rythmique : batterie, piano, contrebasse

    section mélodique : flûte traversière, trompette, clarinette

    saxophone, xylophone

    TEMPS et DURÉE : Tempo allegro (rapide)

    Rythmes de danse latino-américaine (temps faibles accentués)

    CARACTERE DE LA MUSIQUE : caractère léger, sautillant

    Liens entre le texte et la musique : L'humour du texte est mis en valeur par le tempo allant et les couleurs assez vives des timbres instrumentaux (instruments à vent très présents). La légèreté du sujet amoureux est relevée aussi par l'accompagnement rythmique qui fait de lointaines références aux danses latines (mambo, chacha..)


    Structure du texte et structure de la musique : forme rondo (alternance de couplets et de refrain)

     

    Rapport Texte/Musique

    Les Effets de « non-musique »

    Arrêt des instruments

    L'arrêt de l'orchestre avant la Liste d'objets permet de mettre cette liste encore plus en valeur

    Le tempo s'arrête et le chanteur déclame son texte comme au théâtre : effet de suspens musical

    Puis avalanche d'objets

     

    Silence

    Autre effet musical apporté par un silence expressif : la dernière phrase répétée « Et l'on vit comme ça jusqu'à la prochaine fois ». Arrêt à la 3ème reprise avant « Jusqu'à la prochaine fois » final